Habitué pour ma part à organiser mes voyages en fonction de mes lectures et de ma quête insatiable pour la bonne chère, j’ai tout naturellement commencé mes vacances d’été par un séjour dans les Alpes, où Alexandre Dumas, dans son Grand Dictionnaire de cuisine[1], assure que l’on peut s’y procurer sans trop de peine du jambon d’ours. Malheureusement, il semble que ce produit délicat ne soit plus aussi apprécié de nos jours qu’au XIXe siècle puisqu’il n’est plus présent sur aucune carte de restaurant. Afin de rapporter un souvenir gastronomique de cette si belle région, j’ai malgré tout dégusté un poisson d’exception qui fraie dans la région : l’omble chevalier, et je me suis consolé en songeant que l’auteur du Chevalier de Sainte-Hermine[2] n’avait pas pu y goûter puisque ce poisson n’a été introduit dans la région que plus d’un demi-siècle après sa mort.
Michel Rochedy a fait de ce poisson sa spécialité : ce chef généreux qui cite Victor Hugo comme on parle d’un client fidèle, propose l’omble chevalier (pêché au filet dans la nuit par 40 mètres de fond) de deux façons : meunière (doré à point et croustillant à souhait) ou cuit à la vapeur aux herbes des montagnes et servi avec des carottes, des blettes et des pommes de terre du jardin en robe de chambre. Cette seconde cuisson laisse à l’omble chevalier tout le loisir de se révéler pleinement. Le chef du Chabichou[3] propose judicieusement de l’accompagner d’un vin blanc de Savoie, sec et fruité au goût de terroir : la Roussette de Monterminot ; avec une vue imprenable sur les montagnes et dans la chaleur des boiseries de son restaurant, on se croirait dans l’antichambre du Paradis.
Puis, curieux de connaître la position du nouveau pape sur la gourmandise, et informé par un ami que Benoît XVI devait séjourner à Cologne, j’ai ensuite poussé jusqu’en Allemagne, avec dans ma valise La Supplique au pape pour enlever la gourmandise de la liste des péchés capitaux, du regretté Lionel Poilâne[4]. Mais quelle ne fut pas ma déconvenue d’y retrouver plusieurs centaines de milliers de jeunes, visiblement très bien renseignés eux aussi, ce qui a eu pour fâcheux effet de m’empêcher de poser au Saint-Père ma question ! Je n’ai finalement rapporté de ce séjour qu’un peu d’eau et même pas bénite ! mais je me suis consolé en goûtant aux multiples variétés de charcuteries de la région : saucisses (à tartiner, à griller, à pocher), saucissons, boudins, jambons…
Enfin, et ne pouvant rester sur deux échecs, j’ai fait route vers l’Écosse, pays natal d’Harry Potter, la lecture du très réussi sixième et avant-dernier opus de la brillante J. K. Rowling[5], m’ayant donné envie de boire du vin d’elfes et de me nourrir de magie. Mais là encore, il m’a fallu me rendre à l’évidence, toute récente que fût cette ultime source, l’elf-made wine n’est servi dans aucune taverne d’Édimbourg. J’ai cependant pu me régaler de haggis, cette panse de brebis farcie d’abats de mouton et je ne regrette pas mon voyage. Car après tout, en matière de gastronomie, il faut savoir improviser.
Impact Médecine, 15 au 22 septembre 2005
[1] Éditions Phébus.
[2] Éditions Phébus.
[3] Le Chabichou - Quartiers des Chenus 73121 Courchevel Tél. : 04 79 08 00 55 - Fax : 04 79 08 33 58
Email : [email protected] www.chabichou-courchevel.com
[4] Lionel Poilâne et ses amis, Supplique au pape, Anne Carrière.
[5] J. K. Rowling, Harry Potter and the Half-Blood Prince, Bloomsbury.
Bravo Oscar. Parfaite adéquation entre cuisine et littérature, deux ingrédients qui te passionnent et dans lesquels tu excelles... Ce ne peut être que la clef du succès.
A bientôt,bises
Paule et Lutin
Rédigé par : Paule Elliott | 05 novembre 2005 à 12:32